Nicolas Lakshmanan — né en France avec un nom indo-grec, a longtemps dormi et rêvé et fomenté des rêves d’épopée, vagabondant étrangement en Normandie, comme en poésie. A trente-cinq ans, il découvre le grec ancien, Homère et Philippe Brunet, qui l’initie aux rythmes grecs, au théâtre masqué, scandé, dansé, dans son étrange et prodigieuse et bigarrée compagnie de théâtre antique, Démodocos.C’est à cette école que depuis 2005, il a appris le métier de comédien. Pour Démodocos, il tient les rôles de Créon et du messager dans l’Antigone de Sophocle depuis 2009, et ceux de Jupiter et d’Amphitryon dans la pièce de Plaute depuis 2014. Il a en particulier développé la gestuelle des doigts, des mains et des bras.
Il traduit l’épopée pour la performance épique et le théâtre, de l’ancien français (Chanson de Roland), du latin (Amphitryon), et même un peu de l’italien, voire du sanskrit. Docteur en lettres classiques et agrégé de grammaire, il est aussi professeur de lettres — souvent au lycée, parfois à l’université.
Pour dire l’épopée, le jongleur n’est jamais seul, parce qu’il est toujours en second, parce qu’il lui faut atteindre un état second, pour être à la fois ici et là-bas, jadis et maintenant : le propre du jongleur, c’est le dédoublement, à la fois jongleur du Moyen Âge et aède de l’Antiquité, à la fois manaschi d’Europe que « griot blanc », comme m’ont appelé mes amis sénégalais ou camerounais.
Mais je me fais parfois le jongleur en second d’un autre artiste, comme Arkin Yildiz, qui m’accompagna jadis au saz, ou la merveilleuse chanteuse Camille Fritsch, qui me répondait naguère en ancien français, pour Les deux Roland.